De l'anthropologie inconsciente: une relecture sociale de la relation entre l'orientalisme et le colonialisme, avec un exemple dans les ethnographies algériennes d'Yves Alliaume (1926-1975)

Résumé

Ces dernières années, plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre du modèle d'orientalisme d'Edward Said. Elles comprennent, par exemple, des mises en garde contre l'existence de discours orientalistes antérieurs à celui de Saïd, ou de courants orientalistes, tels que les courants ibériques, qui ne correspondent pas au modèle antagoniste proposé par Saïd. Cet article partira des textes sur le Sahara algérien écrits par Yves Alliaume au milieu du XXe siècle pour proposer une réinterprétation de la relation entre les discours orientalistes et la pratique de la colonialité en Algérie. Pour ce faire, il se concentrera sur les notions de " Berbère " et le statut de l'Islam parmi les populations locales pour montrer comment la caractérisation des sociétés dans la période coloniale ne partait pas de distinctions culturelles clairement définies, mais s'articulait à travers des valorisations sociales qui reliaient les sphères coloniales et métropolitaines. De tout cela émerge une dimension de l'anthropologie de l'Afrique du Nord qui est rarement remarquée aujourd'hui, mais qui a été signalée à l'époque par Franz Fanon et qui apparaît de manière récurrente dans les textes d'Yves Alliaume. Cette relecture sociale peut servir à recomposer la notion d'orientalisme dans la notion foucaldienne de discours qui l'a inspirée, ainsi qu'à explorer sa relation complexe avec la pratique de la colonialité dans une perspective glocale.